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Le pain quotidien, chapitre I

De lieux en lieux, de pays en pays, cet aliment si banal qu’est le pain est le point de départ d’un projet photographique de long cours. Au travers de ce produit du quotidien, ce sont les liens entre nourriture et politique, mais aussi entre cultures traditionnelles et histoires personelles et bien sûr, entre les sociétés et leur environnement qui seront explorées.

« Nous voyons que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre ». En 2022, à la remise de diplôme d’AgroParisTech, 8 élèves donnaient un discours, un appel à déserter une profession qui « fait davantage partie du problème que des solutions ». Et plutôt que de devenir ingénieur·es, iels deviendront paysan·nes ou travailleront de leurs mains pour transformer euxmêmes les matières premières. Les boulangers et boulangères du fournil de Fabien, à quelques kilomètres de Perpignan ont aussi pris ce même chemin. Certain·es sont en reconversion professionnelle, d’autres non. Iels reprennent un savoir-faire ancien, proposent une production à échelle humaine, principalement en circuit court rompant ainsi avec le modèle agro-industriel dominant.

Au Fournil de Fabien, à quelques kilomètres de Perpignan, plusieurs boulangers ont développé leur propre activité. Caroline fait du pain depuis plus d’un an maintenant et va bientôt quitter ce lieu pour créer sa boulangerie. Dans ce fournil partagé, les boulangers en herbe s’essaient et développent leur savoir-faire.

Fabien est paysan-boulanger. Il cultive son blé lui-même pour atteindre l’autonomie. Comme il n’utilise pas son fournil chaque jour, il le prête à d’autres. Selon lui, « faire pousser du blé dans le Roussillon, personne n’y croit ». Malgré les conditions difficiles, il plante des arbres et tente d’enrichir les sols. S’il « paie la dette du passé », en récupérant des terres appauvries par l’agriculture intensive, il tente d’améliorer les choses pour les générations futures.

Lucie était assistante sociale mais elle a décidé de quitter son travail et s’est tournée vers la boulangerie il y a bientôt un an. Elle aime travailler avec le vivant et avec des farines paysannes et locales. Elle est « une mère nourricière » qui prend soin des autres en s’assurant de leur donner de bons produits.

La transmission de ce savoir-faire se fait dans les fournils, chez ceux qui ont conservé ces pratiques traditionnelles. Samuel apprend à faire du pain depuis quelques mois. C’est Lucie qui lui enseigne les techniques propres au pain au levain. A terme, ils aimeraient s’associer et continuer à travailler ensemble.

Utiliser le levain implique de travailler avec un organisme vivant. Il faut donc s’adapter à chacune de ses réactions. Dans la plupart des boulangeries françaises, le levain a été abandonné, remplacé par la levure pour des questions de productivité. Ce savoir-faire traditionnel n’est plus enseigné au CAP Boulangerie.

Il fait une partie de son pain la veille jusque tard le soir pour fournir le pain le plus frais possible le lendemain, au marché. En effet, il souhaite travailler avec un rythme qui lui assure un certain confort de vie. Il refuse de se lever en pleine nuit pour faire le pain. Ils sont plusieurs à redéfinir ainsi le métier de boulanger, selon les conditions qui leur conviennent.

Si Arnaud désire rejoindre Fabien, c’est pour travailler avec un four plus performant que celui qu’il possède déjà. En effet, il n’est pas toujours satisfait de la cuisson que lui permet son matériel actuel. Il souhaite aussi avoir un accès à un fournil plus confortable. Boulanger à l’extérieur exige de s’adapter aux conditions climatiques. Les températures excessives de l’été 2022 ont été une rude épreuve pour lui.

Arnaud a monté sa boulangerie mobile il y a deux ans. Après avoir appris le métier dans un fournil ariégeois, son objectif était d’aller de foire en foire pour proposer du pain et des fougasses biologiques. Petit à petit son projet a changé. Aujourd’hui, il fait le pain dans son jardin pour le proposer au marché de Thuir, une petite ville à côté de Perpignan. Bientôt, il rejoindra le fournil partagé de Fabien, un lieu de transition idéal pour lui, avant de se lancer dans sa propre boulangerie en “dur”.

Faire le pain au feu de bois est chose rare aujourd’hui. Pourtant, c’est un outil de travail économique en ressources naturelles. Souvent, ces fours sont alimentés par les chutes des scieries alentour. Parfois, comme c’est le cas de ce four, ils sont approvisionnés en pellets.

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